Jean-Marc Chouvel
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De ma fenêtre (1998)
Violoncelle, électroacoustique et vidéo

Violoncelle : Benjamin Carat
Vidéo : Philippe Chapuis

La gageure de cette pièce, qui entame l’ensemble du cycle, est d’avoir été réalisée intégralement à partir de matériau sonore captés depuis la fenêtre de mon appartement parisien. Philippe Chapuis a poursuivi la gageure en reprenant à son compte la même contrainte pour la réalisation vidéo. Pour la première fois, le violoncelle de De ma fenêtre utilise un archet préparé, ce qui permet des textures de timbre et une réalité sonore tout à fait particulière, que l’on retrouvera sous d’autres angles dans l’ensemble du cycle.




Fenêtres
C'est dans la compagnie des peintres que l'importance des fenêtres dans notre appréhension du monde m'est apparue pour la première fois.
La Fenêtre n'est pas un objet. Ce n'est pas non plus une paroi. Ce n'est que le contour de la transparence, le vide du mur. C'est quelque chose de terriblement quotidien et réaliste, d'inaperçu aussi, et à la fois de métaphorique et d'abstrait, ouvert à une méditation infinie. C'est la limite, si on s'en tient à la surface, de l'intérieur et de l'extérieur, du dedans et du dehors. C'est aussi le passage de la lumière, et le passage du regard, selon notre nécessité ou notre agrément.
Il n'y a pas de civilisation sans fenêtre. La fenêtre est le symptôme même de l'urbanité. Meurtrière, elle s'est enfoncée dans d'épaisses parois de roc. Aujourd'hui, les édifices entiers sont de verre.
Pour les cinéastes, le cadre, c'est à la fois la profondeur d'une visée et la surface d'un écran. La magie d'un monde qui peut apparaître et disparaître à volonté.
Quand on se met à y réfléchir, le thème peut même se révéler harcelant. Je me souviens encore de ce poème du jeune Aragon…
 
                     Persiennes
                                                                   Persiennes
                                           Persiennes


Mais que sont les fenêtres pour un musicien ? Un cadre que construirait notre perception autour d'« objets sonores » ? Une sorte d'échafaudage évanescent, un mirage de notre analyse ? Ou peut-être ces moments où le son existe puis s'éteint ?
Les acousticiens parlent de transitoires d'attaque, et on a l'impression qu'il s'agit presque de parasites, alors que l'on sait pertinemment qu'il s'agit là d'une composante essentielle du timbre. Enlevez cet élément et le piano est une cloche, le tuba une flûte… Quant à la terminaison du son, qui lui accorde la moindre importance? Beethoven, dans ses cadences?…
Je me suis alors rendu compte que dans ma musique, je soulignais toujours ces moments de début et de fin des sons, qu'il y avait des marqueurs de commencement et de fin de séquence, que j'appuyais presque systématiquement les articulations entre deux moments différents.
J'ai pris conscience alors que la fenêtre, que l'on ouvre, qui amène à l'oreille toutes les effluves sonores du monde, puis que l'on referme pour retrouver l'intimité du silence intérieur, avait beaucoup à nous dire sur notre rapport au son et au temps.
 

La muse et l'électron
Windows (en Américain).
 
Dans le monde de l'informatique, la fenêtre est devenue l'équivalent de la page, mais une sorte de page mouvante, le pupitre d'un univers en expansion, le syndrome d'un réseau parallèle, d'un labyrinthe ouvert sur le monde et à la fois complètement déconnecté d'avec la réalité du monde.
La muse et l'électron, cela pourrait être une fable dont la morale reste encore à définir… Evoquer bien sûr la musique électronique, sans en rester là… Evoquer l’articulation entre un monde ancien et un monde nouveau. Evoquer l’allégorie métaphysique et l’élément physique, l’intuition et la technologie… Etablir comme une résonance d’événements… Gagner de l’énergie par une sorte d’excitation commune… Approcher ce que l’on pourrait appeler un mythe du futur…

Avec les nouvelles techniques de montage, proposer une véritable polyphonie sonore et visuelle, quitter, pour la vidéo, le séquencement bout à bout, jouer avec le cadre de l'écran comme s'il n'était plus une limite imposée, jouer avec la transparence de l'écran, comme si un monde pouvait aussi exister derrière…
 

De ma fenêtre
Balayer devant sa propre porte…
Pendant deux ans, j'ai effectué des enregistrements à partir de la fenêtre de mon appartement. J'ai accumulé petit à petit quelque chose comme quatre heures de matériau sonore. Et à l'écoute de ces documents, j'ai été stupéfait par la richesse et par la diversité des sons enregistrés. C'est presque trop de profusion par rapport aux sons qu'on a l'habitude d'utiliser en studio. Toujours, on apprend à cacher le bruit, à plonger les micros dans un silence parfait, à les focaliser sur une seule source. Dans la vie, il en est tout autrement, et nous sommes baignés d'une multitude de faits sonores qui participent ensemble à notre perception du monde.
Faire une pièce, alors, avec ce matériau ?
La virtuosité du montage ne pouvait pas être l'élément unique du travail musical. Il fallait autre chose, à commencer par éviter une segmentation trop volontariste, et ne cerner au fond que l'anecdote. Ainsi, pour prendre une certaine distance par rapport à cette présence immédiate de l'image, il m'a semblé tout à fait opportun d'y mêler les sons du plus intimement humain des instruments : le violoncelle. Un violoncelle comme explosant, lui aussi, de sonorités inouïes, imitatif presque, lyrique, en retour.
De ma fenêtre serait alors une sorte d'ouverture pour un spectacle plus vaste, une manière de réduction et de proposition préliminaire, un avant-propos pour un opéra moderne de plus vastes dimensions.


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